LES ENTREPRISES ET LES CENTRES REGIONAUX D’INVESTISMENT

Les 16 Centres régionaux d’investissement (CRI) seront bientôt au centre d’une réforme globale, le but étant de renforcer leur efficience. Lors de la dernière réunion du Conseil de gouvernement, il a été en effet annoncé le lancement du chantier de réforme et de modernisation global de ces structures. Il a été ainsi décidé de créer dans ce sens une commission interministérielle présidée par le ministère de l’Intérieur et composée des différents départements concernés, afin de tracer les grandes lignes de cette réforme. Il était temps d’ailleurs. Ces structures, qui avaient été créées en 2002 pour assurer deux missions principales, à savoir l’aide à la création d’entreprises et l’aide à l’investissement, peinent aujourd’hui à atteindre les objectifs qui leur ont été assignés.

Bien que ces centres aient connu une évolution très importante dans l’aide à la création des entreprises, l’analyse des données au niveau national montre que la part des sociétés créées en dehors du circuit des CRI est plus importante en nombre que celle des sociétés créées à leur niveau. Selon le dernier rapport de la Cour des comptes, qui a procédé à une évaluation de ces centres, la part des créations au niveau des CRI a représenté 40% du total des créations en 2014. Aussi, la comparaison des créations en 2014 avec celles réalisées au niveau de chaque CRI, note le rapport, permet de constater que certains CRI ont des taux de réalisation très importants, notamment ceux de Oued Eddahab-Lagouira, Gharb-Chrarda-Beni Hssen, Taza-Al Hoceïma-Taounate, Marrakech-Tensif-Al Haouz, et Rabat-Salé-Zemmour-Zaër qui arrivent à avoir une part qui dépasse 50%. En revanche, les réalisations de certains autres CRI sont très faibles, notamment au niveau de l’Oriental, Tadla-Azilal, Laâyoune-Boujdour-Sakia El Hamra, Tanger-Tétouan, Souss-Massa-Draâ, Chaouia-Ourdigha et Guelmim-Es Smara.

Ainsi, parmi les contraintes relatives à la création d’entreprises que relève le rapport, on cite l’absence de représentation effective des administrations auprès des CRI. Cette difficulté oblige parfois les CRI ou les personnes qui souhaitent créer des entreprises à faire le tour des différentes administrations concernées. Il est à noter que sur l’ensemble des CRI, seuls quatre centres (Rabat, Casablanca, Marrakech et l’Oriental) disposent d’un guichet unique où sont représentées toutes les administrations concernées. Dans les autres CRI, le nombre des administrations représentées varie en général d’un à quatre. «Même dans les centres où des représentations existent, il a été noté l’insuffisance du personnel affecté par les administrations concernées (en moyenne une personne par administration), eu égard à la masse de travail, au besoin de mettre en place des annexes ou pour gérer les périodes de congés (administratif ou de maladie). Cette situation est considérée par les CRI comme un handicap à l’amélioration de leur performance», lit-on dans le rapport.

Les magistrats de la Cour relèvent par ailleurs une absence de suivi des entreprises créées. La majorité des CRI n’assurent pas cette tâche, du fait qu’elle ne figure pas parmi leurs attributions. Or le suivi des entreprises est de nature à permettre de recenser les difficultés rencontrées par les investisseurs et les pistes d’amélioration à envisager.
Sur le volet de la gouvernance, plusieurs observations sont relevées dans le rapport de la juridiction présidée par Driss Jettou, à commencer par l’absence de stratégie commune. En effet, depuis leur mise en place, les Centres régionaux d’investissement ne disposent d’aucune stratégie commune. Pourtant, relève le rapport, l’élaboration d’une stratégie s’imposait du fait que cette dernière devait arrêter et actualiser les objectifs à moyen et long termes ainsi que les moyens à leur consacrer pour concrétiser les orientations royales. Ainsi et face à cette lacune, les Centres n’ont pas pu améliorer, selon le rapport, leur fonctionnement et résoudre les difficultés rencontrées, notamment au niveau de la mise en place des guichets uniques relatifs à la création des entreprises, de l’accompagnement et du suivi des investissements, de la clarification de leur statut juridique ainsi que de l’allocation des ressources (humaines et financières).

Outre cette observation, la Cour des comptes relève une mise en place limitée des organigrammes. En effet, bien que les organigrammes de la majorité des CRI aient été visés par le ministère de l’Intérieur, une bonne partie d’entre eux n’est pas opérationnelle. Et ce pour plusieurs raisons, notamment le manque de ressources humaines ayant les compétences requises pour occuper les postes proposés ainsi que la non-adéquation du statut administratif du personnel présent au niveau des CRI avec les normes fixées pour exercer la responsabilité. Le rapport souligne également un retard et des difficultés dans le lancement des appels à candidature ainsi que l’absence d’un statut propre au personnel des CRI, bien que la lettre royale de 2002 ait incité à la mise en place d’un statut motivant pour les Centres. Ainsi, aucune initiative n’a été prise dans ce sens, sachant que la Cour des comptes avait recommandé, dans son précédent rapport, en 2009, la mise en place d’un statut particulier pour le personnel de ces organismes. Selon le rapport, le personnel exerçant au sein des Centres régionaux d’investissement relève de statuts juridiques variés. De ce fait, l’absence d’un statut du personnel propre ne permet pas d’assurer une gestion efficace des ressources humaines et leur adhésion aux objectifs arrêtés et ne favorise pas le renforcement du sentiment d’appartenance. De plus, les besoins en ressources humaines sont parmi les contraintes soulevées au niveau des CRI, notamment le manque des profils pointus et des compétences dans les domaines techniques, juridiques et économiques. Il est à souligner, à ce titre, l’absence d’une véritable identification des besoins portant sur les compétences dont ces organismes doivent être dotés.

S’agissant du financement, le rapport indique que les ressources budgétaires des CRI proviennent, essentiellement, du budget général de l’État sous forme de subventions, aussi bien pour le fonctionnement que pour l’investissement. Ces ressources ne subissent pas de changement significatif d’année en année. C’est ainsi que les CRI considèrent que les moyens financiers dont ils disposent ne sont pas suffisants pour mieux réussir les missions qui leur sont confiées, compte tenu de l’absence de ressources propres.

Il convient de noter que les CRI sont des Segma (Services de l’État gérés de manière autonome), et que l’article 2 du décret 2.03.728 instituant une rémunération des services rendus par les Centres régionaux d’investissement avait prévu que «la liste des services rendus par chaque Centre régional d’investissement et leurs tarifs sont fixés par arrêté conjoint du ministre de l’Intérieur et du ministre chargé des Finances». Toutefois, la non-publication de cet arrêté a fait que les CRI continuent de dépendre exclusivement des subventions accordées par le budget général de l’État.

Source: LE MATIN